Bulle Du jeudi 30 novembre 2006

L'Ailleurs

L’Ailleurs est une idée subjective dont j’aime à croire qu’on abrite tous une version différente dans notre imaginaire.
Libre à nous d’y poser le cadre nécessaire à l’évasion que cet Ailleurs représente, libre à nous de le peupler des personnes que nous voulons, d’y poser la faune et la flore adéquates.




Pour ma part, mon Ailleurs ressemble à s’y méprendre aux images de cartes postales de l’Islande.
Celles d’une terre froide et brute aux reliefs érodés et pétrifiés, comme saisis dans leur rudesse par un quelconque désastre écologique.
L’impression d’une terre hors de toute mesure, où les kilomètres n’ont plus de raison d’être et où le temps même prend toute sa relativité.
C’est là-même que mon Ailleurs est le mieux décrit, dans ces images sûrement un peu faussées mais tellement attirantes, rendant à la Nature la place et la force qui est sienne.

Ajoutez à leur contemplation l’altitude mélodique nécessaire et vous y verrez certainement le Paradis inaccessible que je m’y suis créé.



Reste la peur de découvrir que ces espaces sont, en réalité, bien moins idylliques qu’ils n’y paraissent et qui me font appréhender un peu les projets de voyages qui se forment. Parcourir vraiment les landes islandaises pour m’apercevoir qu’elles ne sont pas le refuge que je m’étais visualisé, voilà qui serait douloureux…
Et à côté de ça, m’imaginer arpenter les hostilités géologiques que la Nature a offertes à cette île, en apprécier les couleurs uniques et me laisser bercer par le son d’une si belle mélodie (grâce à l’Ipod, fidèle parmi les fidèles)…


Parachutes - Paper Bird

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Bulle Du jeudi 23 novembre 2006

Cinématographik (n°1)

Allez hop, reviews en masse des derniers films visionnés.

Ca risque même de devenir une habitude sur ce blog, j'ai bien envie de me rompre à la tradition bloguienne de la critique culturelle et croire un instant que mes apports seront réellement déterminants du sort de tel ou tel film critiqué.
Rêvons un moment.

1. En un, Shortbus de John Cameron Mitchell (voir aussi Hedwig and the Angry Inch... pas vu, mais il semblerait que ce soit définitivement à voir) :

Shortbus relate les parcours personnels de différents personnages ou couples qui vont chercher à compléter leurs sexualités et atteindre leur propre épanouissement à travers la fréquentation d'un club libertin New-Yorkais, le Shortbus.
Bien plus qu'un lieu orgiaque, c'est aussi le point de recontre d'âmes paumées, entre Sofia la sexologue qui cherche à tout prix à connaître l'orgasme, entre Jennifer Aniston (pas l'actrice, mais un homonyme), une jeune artiste qui camoufle ses tendances asociales derrière son déguisement de prostituée dominatrice et le couple homo composé de Jamie et Jamie (!!!) qui se déchire entre la dépression de Jamie et l'amour étouffant de Jamie...
Pour chacun, la libération ne sera pas que sexuelle mais passera toujours par cette étape que le réalisateur rend incontournable, de par l'insertion de scènes plutôt corsées, mais sans pour autant tomber dans le vulgaire. Les dialogues sont souvent très drôles et toujours tendres, alors que les cinq premières minutes auraient pu nous faire craindre de nous retrouver face à des monstres sexuels en puissance. Au final, elles mettent en exergue leurs faiblesses et leurs motivations, riches et essentielles.
Rajoutez à ça de succulents morceaux musicaux (quel magnifique tableau final), quelques parralèlles au 11 septembre et on est en passe de détenir un film qu'on pourrait qualifier de culte (notion à relativiser, qui serait capable de m'expliquer ce qu'est censé vouloir dire ce mot ?)



2. En deux, Le Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro.

Trainé par mon mister devant ce film (bien qu'il ne lui aura pas fallu faire preuve de beaucoup de persuasion), je m'apprétais à râler et retorquer les arguments classiques levés contre ce film par ses détracteurs (voir Allociné).
Finalement, je n'aurais vraiment rien trouvé à redire, sauf peut-être une cruauté un peu trop exprimée (et quelques scènes qui m'auront valu de détourner le regard).
Reste que le réalisme dans le drame (historique et familial) se mèle parfaitement avec l'onirisme du fantastique.
Ophélia est une petite fille solitaire propulsée, avec sa maman enceinte, au sein d'une nouvelle vie, celle offerte par son beau-père, un général belliqueux et froid. Ils prennent place au sein d'une maison campagnarde qui tient lieu de front de bataille, dans le cadre de l'Espagne franquiste.
Très vite, elle est reconnue par une fée et un faune (une espèce de bestiole mi-bouc, mi-homme) comme étant la princesse tant attendue d'un royaume sous-terrain. Elle devra, pour regagner son rang, accomplir préalablement trois épreuves...
A voir réellement, notamment pour l'esthétisme général (surtout dans les mondes fantastiques qu'Ophélia devra traverser) et pour le jeu glacial de Sergi Lopez, hitlerien à souhait...



3. Et de trois avec Borat, le phénomène kazakhe tout fraichement débarqué.

Difficile de réduire un film-monstre pareil en quelques lignes... Borat, c'est un concept, un genre cinématographique à lui tout seul (entre pastiche décomplexé et reportage sociologique sur la société américaine).
Je me suis amusé à réflechir à un éventuel ersatz, une éventuelle référence de cette furiosité et je n'ai réussi à lui rapprocher que le "film" de Michael Youn Les 11 Commandements. Qualitativement, la farce française ne tient évidemment pas la route mais on peut tout de même reconnaître quelques similitudes.
Reste que Borat est beaucoup tranché, la frontière entre réalité et fiction étant relativement mince... on en vient à se demander si les personnes qui ont eu à rencontrer la tornade kazakhe n'étaient pas aussi des piégés...
Toujours est-il que ça canarde dans tous les sens, tout le monde en prend pour son grade (surtout les kazakhes, c'est vrai). L'humour est bien travaillé, hormis quelques lourdeurs, mais au rythme où s'enchaîne les réjouissances, il est normal de tomber sur 3 ou 4 pétards mouillés...




Et voilà pour cette semaine.


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Bulle Du lundi 20 novembre 2006

La Cène de Girbaud réhabilitée



Et voilà.

La semaine dernière, la Cour de Cassation a mis fin à une infamie jurisprudentielle rendue un an plus tôt, au nom du "respect des croyances".
L'affiche publicitaire en question, tirée d'une campagne d'un créateur de mode, parlera sans doute à beaucoup de monde, tant l'ampleur médiatique du fait divers fut importante.

A l'époque donc, les juges du fond avaient censuré (en référé, siouplait) la publicité, laquelle constituaient une "injure aux sentiments des catholiques". L'action avait été menée par une association des Evèques de France, qui, vraisemblablement, ne digéraient pas de voir les apôtres grimés en femmes (pourtant jolies et fort bien apprétées pour l'occasion, c'eût été un bel hommage).
Malheureusement pour eux, le buzz aura certainement été très favorable à la marque de vétements qui avait lancé la campagne, mais la décision a été cassé, au motif qu'il n'y a pas lieu de parler d'injures personnelles alors qu'il ne s'agissait que de la reprise d'une image religieuse sans mention outrageante supplémentaire. En d'autres termes, l'argument aurait valu si l'affiche comprenait la phrase "Les Chrétiens sont stupides.".
Rien de plus normal que cette décision, donc.

D'autant que, sur le fond, il est difficile d'admettre qu'on interdise un tel détournement d'image, alors même que cette image ne repose que sur des croyances non-averées. Qui pourrait dire que la Cène originelle a une quelconque légitimité, alors même qu'elle fut elle-même le fruit de nombreuses critiques par les religieux ?

Plus que le respect des croyances, c'est surtout une nouvelle tentative des autorités religieuses de censurer tout ce qui pourrait nuire à leur image et qui ne cadrerait avec la vision du monde qu'ils essayent d'instaurer. On est pas loin de la frontière du délit de blasphème...

A titre personnel, ce débat arrive à un moment où je m'intéresse de près à ces considérations religieuses et notamment à la force de l'imagerie religieuse :
Je me suis enfin autorisé le visionnage de La Passion du Christ de Mel Gibson. Même si j'ai trouvé une certaine force à ce film, il me semble que la vision développée par le réalisateur est plus à même de heurter les croyances. Sa version du calvaire du Christ n'est pas unanimement partagée, et pourtant les religieux ont loué ce film comme jamais.

J'ai quelques difficultés à distinguer le film en question et l'affiche, chacun n'étant que la reprise personnelle d'une imagerie religieuse répondant à des intérêts autres que le respect des croyances.
Difficile de dire quel est le plus offusquant des deux ?

Aucun ? Je crois que c'est la bonne réponse.

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Bulle Du mercredi 15 novembre 2006

Le revers de la médaille

S'il est un revers que subissent tous les juristes, étudiants comme professionnels, c'est bien celui de voir leur entourage se raccrocher à leur expertise, au moindre questionnement juridique quotidien.

Evidemment, il est alors de bon ton d'être capable de débiter presque automatiquement une réponse (si possible, satisfaisante pour le questionneur indélicat) et d'étayer sa démonstration à grand renfort de termes pompeux et de renvois jurisprudentiels, inutiles mais tellement impressionnants...

J'ai débuté mes études en m'imaginant être un jour ce fabuleux tacticien du droit, capable d'appréhender tout de go les insondables abysses du Droit et de faire éclater la Vérité juridique, la vraie, l'unique et la seule réellement intéressante. A l'heure où la télé nous présente multitudes de ténors du barreau, entre Ally McBeal et Perry Mason (ou encore Adeline Blondieau, promûe avocate du jour en lendemain dans la "tellement réaliste" série Sous le Soleil), c'est encore l'image populaire qui reste de l'avocat et, de manière plus générale, de l'initié aux mystères du Droit.

C'est évidemment une fausse image et il serait bien difficile de faire s'émouvoir le téléspectateur lambda sur les doutes ou errances du juriste, souvent noyé lui-même sous l'inflation de textes aux intérêts divergents et souvent contradictoires. Il est déja bien difficile pour certains de concevoir que non, nous ne sommes pas des ordinateurs ambulants capable de mémoriser l'intégralité des lois.
Il est déja forcément difficile de comprendre les motivations dissimulés dans tous ces textes, d'autant plus quand on rentre dans des domaines techniques très balisés.

Bref, la Justice telle que conçue est inappréhendable dans sa globalité par quiconque et il est bien agréable de se dissimuler derrière l'expertise hautement qualifiée d'autres personnes, d'autant plus quand ces derniers portent le verbe haut et pratiquent l'ironie intelligemment.

C'est le cas, par exemple, de ce blog qui parvient à retranscrire les aléas de la vie d' un avocat et à décrire l'autre côté de la médaille... Une manière différente d'appréhender la Justice et les membres qui la composent.

Anecdote personnelle :
Pour moi, de médaille, il n'y aura pas encore.
Du moins cette année.
Dommage... j'avais déja le cynisme d'un vieux routard en fin de carrière, j'aurais pu faire des étincelles.


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Bulle Du dimanche 5 novembre 2006

Amuse toi bien.

C'est dur à croire mais il aura fallu que j'attende mes 24 ans pour être vraiment confronté de manière directe par la mort, en l'occurrence celle de mon grand-père, survenue il y a quelques jours.
Non pas que le concept me soit totalement étranger, j'ai pu en appréhender quelques bribes à travers les décès successifs de mes deux arrières grand-mères, toutes deux d'âge relativement avancé. Mais ces expériences passives ne concurrencent pas la pleinitude de la récente confrontation que j'ai eu avec la mort.

Pleine car je crois que la mort ne s'appréhende totalement que dans l'accompagnement. J'ai accompagné mon grand-père dans ce qui l'a terrassé et j'ai assisté aux conséquences directes de ce décès, aux cotés de toute ma famille, unie comme jamais.
Avec le recul, je prends cette possibilité comme une réelle chance, même si le poids est lourd à porter. Une chance de fixer ma place dans la famille, une chance de peser le poids de la perte et une chance d'accepter un peu plus mon héritage.


Pleine car la mort n'est au final qu'une suite de conventions bizarres qu'il faut respecter, et qu'il m'a été donné de découvrir et de comprendre ce cadre rigide des obsèques.
Jamais je n'aurai cru qu'il faille être capable de coordonner tant de choses à la fois et ma grand-mère aura bien eu besoin de l'appui de toute sa décendance.
Si au final on sort lessivé de ces longues heures d'organisation, on s'aperçoit aussi qu'elles ont subtilement distillé le deuil.


Pleine parce qu'on comprend, ne serait ce qu'un infime instant, que la vie vaut le coup d'être vécu et qu'il ne sert à rien de l'étouffer sous le poids de vaines stupidités.
Et il aura fallu qu'un brave homme gaillard, apprécié de tous, s'en aille en sa 77ème année pour nous permettre d'avancer un peu.

Et d'y Croire encore.

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